Passivement j'observais le paysage qui se déroulait au fur et à mesure que la locomotive avançait. Il est vrai que nous aurions pu courir vers notre nouvelle destination, nous serions allées beaucoup plus vite mais je n'avais en aucune manière envie de salir mes vêtements tout neuf après le prix exorbitant pour lequel je les avais acquérir. De plus, ma jeune « fille » n'était pas encore prête pour ce genre de trajet n'étant un vampire que depuis quelques heures – trente quatre heures tout au plus – ce qui nous imposait un calme assez énervant pour ma personne soit. J'expirais longuement avant de remettre une mèche de cheveux derrière mon oreille droite. Distraitement je tournais le regard vers mon amie qui semblait me fixer depuis un temps sans réellement s'en rendre compte, les yeux perdus dans le vague. Je savais exactement ce qu'elle pensait. N'avais-je pas été sujette à ces questions peu après ma transformation ? Je m'humidifiais les lèvres à l'aide de ma langue, passant délicatement sur mes canines acérées avant de prendre ma respiration et de secouer la tête, agacée qu'elle n'ait pas articulé un mot depuis la gare – trop occupée à ne pas sauter à la gorge du premier venu. Heureusement que nous avions investi ce wagon en première classe, personne mis à part le serveur – notre futur probable repas – ne viendrait nous déranger et si mes calculs étaient justes – ce qui était toujours le cas – nous avions un bon moment à rester seules. Ce n'est pas que je ne supportais pas le silence, je ne supportais pas qu'on se taise lorsqu'on avait quelque chose à dire tout simplement.
-« Eh bien, as-tu avalé la langue ? » lui lançais passablement énervée. « Je sais que tu brules de me dire quelque chose. J'aimerais t'entendre ma fille, je ne pense pas qu'en ton état, tu sois capable de te distraire dans tes pensées étant donné qu'elles sont déstabilisées par tout ce qu'il vient de t'arriver. Ce qui est normal vu que tu es décédée dans la soirée, il faut un temps avant de s'habituer. »
Elle leva finalement les yeux vers moi avant d'avaler sa salive et de prendre une ou deux respirations avant de se décider à parler. Patiemment, je retirais la baguette qui retenait mon chapeau afin de le poser à mes côtés. Ce n'est pas que je n'avais que cela à faire mais il ne fallait pas que je la déstabilise alors qu'elle allait parler.
-« Est-ce que vous avez toujours été ainsi ? » couina-t-elle en baissant les yeux n'osant pas me regarder dans les yeux.
-« Qu'est-ce que je t'ai dis ma fille, pas de vouvoiement. Je suppose que tu comprends que nous avons passé ce stade lorsque j'ai planté mes crocs dans ta carotide »
-« Ma quoi ? » demanda-t-elle sans comprendre avant de baisser de nouveau les yeux. « Pardon, vous.. Tu as raison. »
-« Il viendra un temps où je devrais t'enseigner tout ce que tu dois savoir. Il n'est pas bon pour une femme d'être ignorante surtout de notre époque, l'ignorance est la pire des épidémies car elle se répand vite. N'ai pas peur de me regarder Mian, je ne te ferais pas de mal. Promis. Tu comprendra qu'au fond nous ne sommes pas si différentes et c'est peut être cela qui m'a décidé à te.. Eh bien à faire de toi ce que tu es maintenant »
-« Désolée mais je ne pense pas. Personne ne peut comprendre ce que j'ai du endurer pendant ces dernières années. Personne n'a aussi peu de chance. »
-« Veux-tu comparer ton expérience à la mienne ma chérie ? » lui demandais-je en souriant largement laissant alors dévoiler mes deux canines aiguisées.
Ma « fille » n'était pas encore habituée à la vu de mes canines. Elle n'était encore qu'à l'étape où les siennes se réveillaient peu à peu ce qui se trouvait être assez déstabilisant pour elle. Me voir sourire aussi largement l'a fit sursauté avant qu'elle ne détourne les yeux pour échapper à cette vision. J'étais certaine que dans sa tête le flot de questions venait de redoubler mais qu'elle revoyait aussi le massacre dont elle avait été témoin. Finalement au bout de quelques minutes durant lesquelles j'avais sorti l'œuvre philosophique de ce fameux Nietzsche dans laquelle je m'étais plongée, ma toute jeune amie tourna la tête vers moi.
-« Qui.. a fait de vous.. Je veux dire, de toi ce que tu es ? Je veux dire quelqu'un t'a bien changer toi-aussi ? » osa-t-elle demander.
-« Évidemment, je ne suis pas née ainsi. » répondis-je d'un ton calme sans lever mon nez de mon livre. « La nature n'est pas si vicieuse. Comme toute chose, nous avons une source. Je suis la tienne, tu l'aura compris. »
-« Quelle fut la tienne ? Qu'est-ce qui a fait que tu sois ce que tu es : ce genre de monstruosité ? »
-« Une monstruosité comme tu le dis qui t'a bien servi il n'y a pas si longtemps, n'est-ce pas ? » répliquais-je d'un ton entendu en levant les yeux pour la transpercer de mon regard.
-« Certes. Tu ne veux pas me dire ? Est-ce que ça te dérange ? » me demanda-t-elle de ses deux yeux humides.
-« En quoi est-ce que cela te concerne, qu'est-ce que cela va t'apporter ma tendre ? » lui demandais-je intriguée. « Tu veux mesurer l'horreur de ton histoire à la mienne, c'est cela ? »
-« Non. Il y a bien eu un événement qui t'a façonné telle que tu es, je veux le connaître. J'en ai besoin. Je veux comprendre pour ne pas changer totalement de personnalité. »
-« Quoique tu veuilles et puisses faire, tu changeras. C'est inévitable chérie. Ta véritable nature va se réveiller car il n'y a plus de raison pour la cacher maintenant. Et si ce que j'ai bien compris est juste – ce qui est toujours le cas – ton âme est bien noire, ma chère. Autant que la mienne. »
-« S'il te plait, raconte-moi » répéta-t-elle en tournant la tête pour voir passer le serveur à qui je fis signe de partir.
Je laissais échapper un léger grognement que seule Mian pu entendre – et encore j'en doutais, ses capacités n'étant pas totalement en éveil pour l'instant – en voyant que je venais de décider de repousser le petit déjeuner. Mon histoire n'était en rien joyeuse ou si importante qu'on lui porta attention. En effet, je m'étais toujours gardé de la raconter et je m'étais promis de ne jamais le faire pourtant j'étais sur le point de rompre mon propre serment. Quoique je n'en étais pas à la première fois et considérant que j'allais certainement passé les prochains siècles aux côtés de ma chère et tendre « fille », il fallait donc qu'elle connaisse certaines choses, qu'elle soit privilégiée. Lentement, je jaugeais la cabine – assez spacieuse et richement décorée – avant de poser mon regard sur la blonde en face de moi. Elle avait l'air d'avoir peur que je ne me vexe. Les enfants, toujours à craindre la colère de leur parents. Je posais mon ouvrage près de moi.
-« Bien. Après tout, nous avons tout notre temps avant d'arriver à Grand Isle »
-« Ce fut si long ? » s'étonna-t-elle. « Quel âge est-ce que vous avez ? »
-« Mian » grondais-je avant de répondre malicieusement « Saches ma fille que j'ai atteint ma trois cent quatre vingt dix neuvième année »
-« Oh mon Dieu ! » fit-elle en me regardant éberluée.
-« Si tu écoutes attentivement mon histoire, tu te rendras compte par toi-même que Dieu n'a rien à voir avec cela ma chérie. Arrivera un temps où toi aussi tu atteindras cet âge béni »
-« Je ne crois pas.. En quelle année est-ce que vous êtes née alors ? Je veux dire.. Whoa. C'est totalement fantastique. Raconte-moi Nhoa, je t'en prie. Je veux vraiment savoir. »
Je n'aimais pas ressasser le passer, cela n'amenait jamais rien de bon dans la vie d'un vampire. La nostalgie était contagieuse, aussi dangereuse que l'ignorance de sa propre existence. Heureusement pour moi, je ne faisais pas partie de ce genre de vampire que cela atteignait. Quelques secondes, le temps de chercher mes mots et je me revis entrain de courir dans les champs portugais de ma grand mère au temps du véritable bonheur du moins à ce qui semblait se rapprocher de ma définition du bonheur.
-« Et bien pour dire vrai, j'ai beaucoup voyagé pendant mon enfance si bien que je ne me suis jamais sentie chez moi autre part que chez mes grands parents. Tous deux vivaient au Portugal et avaient décidé de m'élever pour me retirer de mes parents trop cupides et qui se fichaient royalement de moi dès que ma sœur cadette vit le jour. Tu as énormément de chance d'être née fille unique, tu n'as pas à être sacrifié pour un bonheur qui t'est étranger, chérie. Avec mes trois frère et ma sœur cadette, je me devais bien de tout faire pour sortir du lot mais quoique je fasse, rien ne marchait. Mon père était rarement là, il s'occupait du commerce de la famille – nous étions alors des nouveaux riches que le commerce du textile avait élevé dans la société – quand à ma mère, elle n'avait yeux que pour ma sœur. Mes frères étaient déjà assez grands et avaient quitté la maison – à mon époque, dès seize ans, un homme était en droit de se marier et de partir fonder sa propre famille et son commerce. Je suis donc partie – sous la charge de mes grands parents maternels – au Portugal où j'ai passé toute mon enfance jusqu'à la regrettable mort de ceux-ci qui m'obligea à rentrer en Espagne où je naquis. Je n'avais jamais réellement connu mes parents et en y songeant ce n'était pas plus mal car à peine arrivée qu'ils voulurent se débarrasser de moi. Officiellement, le mariage qu'on m'obligeait de conclure devait aider mes parents dans leur élargissement d'horizon mais officieusement je savais que c'était pour que ma sœur ait la chance – elle – de pouvoir choisir la personne qu'elle épouserait. J'étais donc plus jeune que toi lorsqu'on m'a envoyé en France pour y rejoindre le domaine de mon futur époux »
-« Tu es allée en France ? » s'extasia-t-elle avant de se taire subitement. « Je suis désolée. Continue. »
Les enfants ne voient réellement que la plus belle partie des choses. Elle aurait pu accroché au fait qu'on m'ait littéralement envoyé de force en France mais non, seul le fait que j'ai pu mettre pied dans ce merveilleux pays – qui n'a plus vraiment quelque chose de magique de nos jours – semblait l'intéresser. J'esquissais un sourire nostalgique en revoyant la frêle enfant que j'étais encore alors qui ne s'attendait certainement pas à ce qui allait lui arriver. Autant de bonheur et de malheur sont imprévisibles et c'est tant mieux parce que sinon on ne vivrait jamais que dans la peur. Délicieuse et fascinante peur.
-« En effet mais cela ne me semblait pas si magique étant donné que j'y étais pour perdre ma liberté que mes grand parents m'avaient appris à chérir plus que n'importe quoi. Tu dois connaître ce sentiment d'être au pied du mur sans savoir que ce mur n'en n'est pas réellement un, n'est-ce pas ? »
-« Oui, en quelque sorte. Tu ne semblais pas regretter de quitter tes parents, ais-je raison ? »
-« Tout à fait. Je haïssais mes parents – je leur ai bien fais comprendre lorsque je revins quelques années plus tard – alors la perspective de partir loin d'eux ne me parut pas trop dur mais me marier avec un homme que je n'avais jamais vu et qui de plus avait le double de mon âge, ça, ça ne me plaisait guère »
Elle semblait méditée un moment à mes paroles tandis que j'esquissais un sourire en songeant au massacre que j'avais commis chez moi des siècles plus tôt. Je ne m'étais jamais senti aussi libre et vide à la fois en temps d'années. Déraciner ces racines m'avait permis de me forger tel que je le souhaitais sans règles de conduite autre que celles que je m'étais donné. Remarquant qu'elle ne disait rien, je lui lançais un regard entendu accompagné d'un petit sourire énigmatique.
-« Tu vois en quoi nous ne sommes pas si différentes, nous avons à peu près le même parcours, ma chérie »
-« Qu'est-ce qui s'est passé par la suite ? L'époux que l'on te prédestinait était-il comme Denver ? Gras, vieux, bougre et repoussant ? »
-« Pas vraiment » riais-je en entendant sa grossière caricature du cadavre que nous avions laissé derrière nous. « Edwin ne ressemblait en rien à ton Denver, ma chère. Il était même le parfait contraire mais laisse-moi donc continuer veux-tu ? »
-« Bien sûr » fit-elle piquée de curiosité avant de se mettre plus à l'aise sur sa banquette.
Je laissais échapper un petit rire devant son soudain intérêt. Par la fenêtre qui donnait sur l'extérieur, nous pouvions déjà apercevoir l'horizon marin et je pris une inutile respiration – un vampire ne respire que par habitude car plus de poumons équivaut à ne plus respirer – avant de reprendre.
-« D'après les informations du personnel du domaine, leur maître Sir Edwin Heathcliff s'était absenté pour diverses affaires professionnelles mais que lorsqu'il serait de retour, je ne devrais pas m'attendre à ce qu'il rentre. Effectivement, celui-ci venait de perdre sa femme et leur enfant en couche et depuis il ne semblait pas s'intéresser à autre chose que le travail après une longue dépression. Je pensais donc que je me retrouvais dès l'âge de treize ans seulement condamnée à vivre une vie de femme malheureuse et délaissée par son mari. En tout cas, c'est ainsi que ma vie en France commença : je n'aperçus mon futur époux – qui refusait de me prendre pour femme avant que je n'ai atteint l'âge qui lui plairait – que deux ou trois fois en deux ans. Paradoxalement, je jugeais qu'il semblait m'apprécier car il me gâtait plus qu'autre chose si bien que je finis par penser qu'il voulait compenser sa laideur par des présents tous plus somptueux que les autres. Ce petit jeu du chat et de la souris dura encore un temps jusqu'à ce que je ne me décide à en avoir le cœur net. Notre première vrai rencontre fut – certes – brève mais elle faussa toutes mes idées. Edwin était long d'être vieux ou blèche mais il était d'une beauté irréelle et d'une jeunesse effrayante en y pensant maintenant mais pour la jeune fille que j'étais, il était l'homme parfait : celui que l'on rêve toutes d'épouser mais qui n'existe jamais vraiment pour nous »
-« D'une beauté irréelle ? Tu veux dire qu'il est.. Comme nous ? »
-« Non mais cela aurait pu être le cas. Si jamais Edwin avait été un vampire, il n'aurait pas pu mourir comme il est mort » répondis-je souhaitant à tout prix éviter ce sujet pour le moment car il viendrait tôt ou tard.
-« Oh excuse-moi, j'aurais du me douter que celui-ci était mort depuis le temps »
J'esquissais un sourire forcé si bien calculé qu'elle ne dut rien déceler. Il était vrai que si rien de tout cela n'était arrivé alors Edwin et moi serions morts de mort naturelle malheureusement cela n'avait pas été le cas. Je fermas les yeux quelques secondes et instantanément son visage d'une beauté sans pareille gravé dans la pierre m'apparut ce qui m'arracha à la fois un sourire de béatitude qu'un douloureux déchirement. Fichu sentiments, qu'est-ce qui a bien pu me prendre de naître avec !
-« Certes. Bien entendu étant donné qu'il avait donné l'ordre à son personnel de m'interdire de venir le voir, je mis un temps avant de trouver une faille pour retourner le voir dans son bureau dont il ne sortait jamais – même pas pour manger – et cette fois-là, je fus saisi par l'aura lumineuse qu'il dégageait. On ne peut pas dire que je tombais littéralement sous le charme – l'amour n'est qu'une stupide invention dans le but de nous montrer que la vie peut être doucereuse ce qui est totalement parjure – mais j'eus envie qu'il m'aime. »
Je me stoppais dans mon récit avant de jeter un regard par la fenêtre une nouvelle fois sauf que cette fois-ci, je ne vis rien. Les paupières fermaient, j'étais entrain de me remémorer la première conversation que Edwin et moi avions eu – il y a bien des siècles – ce qui me fit sourire. Doucement, la magie de la mémoire vampirique me ramena en l'an mille quatre cent quatre vingt un.
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-« Est-ce que ce fut le cas ? » me questionna Mian me sortant de mes songes m'arrachant par la même occasion un sourire.
-« Bien sûr. Nous nous sommes mariés lorsque le printemps a pointé le bout de son nez, la même année. Ces quelques années que je passais avec mon époux m'apportèrent prospérité et félicité. Tout ce dont une femme pouvait avoir besoin en ce temps là, Edwin m'en donnait le double. Nous étions amoureux. » répondis-je avant d'approfondir après une seconde de réflexion. « Profondément amoureux mais je savais que Edwin me cachait quelque chose, il y avait toujours une ombre au tableau. Il semblait toujours se méfier que quelque chose ne nous arrive et n'ampute notre bonheur de jeune couple. Nous vivions ainsi pendant des années, nous n'avions besoin de rien d'autre. Nous nous suffisions à nous-même du moins, c'est ce que je pensais. »
Je baissais la tête avant de me passer une main sur mon visage de poupée de porcelaine. J'avais certes honte de ce que j'avais fais mais à l'époque tout cela m'avait semblé juste. Avais-je été trop égoïste à en vouloir trop ? Edwin m'avait éduqué comme une enfant gâtée pendant des années, je pensais que c'était juste pour moi. Je désirais le meilleur et je le méritais, il n'y avait pas d'autres issues possibles.
-« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je veux dire.. Pourquoi as-tu l'air affligée de cette manière ? »
-« Je ne suis pas affligée, ma chérie. » ripostais-je avant de m'éventer à l'aide de mon chapeau afin de clore le sujet définitivement. « Apprend que j'ai et n'aurais jamais de regrets. Que cela te serve de leçon ma fille, les vampires n'ont point de remords. »
-« Bien. » fit-elle quelque peu chamboulée par mon brusque ton sec.
-« Pour reprendre à mon histoire puisqu'il te plait tant d'en connaître la suite, il est arrivé cinq ans plus tard une personne qui chamboula notre vie. Autant la mienne que celle de mon conjoint. Son soit-disant meilleur ami revint alors de l'Angleterre après plusieurs années d'exil pour s'excuser auprès de Edwin et lui montrer à quel point il se sentait mal après leur dernière discussion. Je ne sus pas pourquoi mais Edwin ne l'aimait pas, il semblait le fuir comme la peste et insistait que j'en fasse autant jusqu'à ce qu'il ne trouve le moyen de s'en débarrasser. C'était une chose que je ne comprenais pas étant donné que cet ami était un homme de bonne famille avec qui Edwin avait – selon ses dires à lui – passé énormément de temps. De plus, il avait toutes les qualités pour paraître plaisant » grimaçais-je en serrant discrètement les poings.
-« Pourquoi ne prononces-tu pas son nom ? » m'intima ma fille.
-« Celui-ci est prohibé. Je ne veux plus jamais en entendre parler car vois-tu mon enfant, il fut ma source »
Le silence prit place après mes révélations tandis que Mian digérait mes informations. J'aurais du me douter que Ean n'était pas du genre à être si innocent mais c'est cela qui m'a séduite chez lui. Je n'avais pas besoin de cacher ma véritable personnalité lorsque j'étais en sa présence, il m'incitait même à la faire sortir s'émerveillant devant celle-ci comme il le fait toujours à chaque fois que nous nous croisons.
-« Tu as été mordu par l'ami de ton époux ? Mais ne doit-on pas être obligatoirement proches pour mordre une personne, pour lui faire don de la vie éternelle ? »
-« Comme ce fut le cas entre toi et moi ? Non. Pour ma part, il m'est arrivé de mordre énormément de personnes car j'étais ennuyée. Cela n'a aucun rapport, j'en ais bien peur. Bien que je crus pendant un instant que mon cas fut semblable au tien. »
-« Autrement dit ? »
-« Par amour. »
-« Tu veux dire que lui et toi étiez amants ? »
Je ne répondis pas affichant simplement un petit sourire pervers en laissant apparaître à sa vue mes canines. Il y avait certainement une raison précise à leur existence. J'en avais été certaine durant un long moment malgré mes questions, Ean avait toujours refusé de me répondre préférant me prendre plutôt que d'apaiser mes états d'âme. Je ne pouvais pas lui en vouloir car pour le moment, il était – à mon sens – le modèle parfait du vampire dans toute sa splendeur. Certaines images me revinrent en mémoire dont ma première rencontre avec Ean tandis que je me promenais dans un des champs de notre propriété avec Edwin afin de cueillir assez de fleur pour en offrir à notre voisine qui venait d'avoir son premier née. Deux jours plus tard, elle succombait à un mal qu'on ne m'éclaircit jamais mais je sais aujourd'hui que Ean avait été écœuré par tant de bonheur et l'avait supprimé. Rapidement et sans bavure comme il savait si bien le faire. Puis la première nuit où Ean m'avait supplié de venir le rejoindre afin de parler de la manière de l'aider à se réconcilier avec mon époux et où nous avions fini par faire l'amour pour la toute première fois. Et toutes les fois suivante où sortant juste de ma chambre conjugale que Edwin avait fini par quitter une heure après la fin de nos ébats pour aller rejoindre celle de mon amant.
-« Dès la seizième semaine – après son arrivée – au domaine néanmoins il faut mettre en évidence son charisme et sa nature vampirique qui aidèrent assez quoique je pense que c'est simplement parce que je voulais plus que ce que mon mari pouvait me donner. Certes, Edwin était un époux doux, attentionné, aimant et parfait mais j'avais besoin de cette bestialité qu'il gardait toujours au fond de lui. Une bestialité que son ami laissait entièrement sorti mais mieux encore, je me retrouvais moi-même lorsque j'étais avec lui. Nous étions pareils dans un sens, tous deux cruels, froids, impitoyables et terriblement hypocrites. Finalement nous nous retrouvions tous les trois plongés dans une relation à trois où tous deux pensaient aveuglement que j'avais délaissé l'autre ce qui m'aurait été bien trop difficile et c'est bien pour ça que je ne le fis jamais. Peu de temps après son arrivée, tous deux finirent par mettre leurs différents de côté car voyant à quel point il était droit, Edwin ne vit aucune raison de repousser une personne qu'il appréciait. Pendant plusieurs mois, nous formions tous trois une famille et nous n'allions jamais quelque part sans être au complet. Malheureusement mon époux a finit par se rendre compte dans quelle genre de relation nous nous trouvions tous trois. »
-« Comment est-ce qu'il a finit par le – si c'est n'est pas trop indiscret – découvrir ? »
-« Oh je suppose que son ami lui a sous entendu un soir nous ayant pour sa part surpris entrain de nous embrasser Edwin et moi. La convoitise ne va pas avec le partage, Mian. »
Elle acquiesça dans un long mouvement de la tête, tentant assurément de réfléchir à ce qui avait bien pu se passer par la suite. Les mœurs de l'époque aurait voulu que je coupe court à tout cela mais je n'étais pas du genre à accepter de rendre ce que j'aimais et surtout pas quand j'y avais trouvé mon bonheur. Je suppose que si rien de ce qui allait suivre n'était arrivé alors j'aurais fait une autre chose, j'avais été mené par mes premières pulsions meurtrières – qui ne me réussissaient pas si mal aujourd'hui – et avait procédé à la barbare. Heureusement, j'étais passée maitre dans l'art.
-« Tu te demandes certainement ce qui s'est passé, comment Edwin a réagit à cela car n'étant pas sot, il a su saisir les preuves qui lui manquaient si bien que peu de temps après – possédé par sa haine envers moi que lui avait inspiré ma trahison – il me brutalisa. » annonçais-je d'un ton neutre qui sembla perturbé ma fille.
-« Tu veux dire qu'il t'a violenté ? Je pensais que Edwin était un homme bon, n'est-ce pas ce que tu as sous entendu ? Je veux dire il ne s'en ait pas voulu par la suite ? » s'exclama-t-elle en avançant sa position de la mienne, son expression semblait déchirée entre sa compassion envers Edwin et l'horreur de mes propos.
-« Oh que si mais j'étais moi même possédé par l'humiliation qu'il m'avait fait subir et j'avais déjà décidé de ce que j'allais faire du moins, son ami sembla m'y pousser car après avoir appris ce qui s'était passé, il voulut me venir en aide mais sans savoir comment encore, Edwin arriva à le jeter dehors et il dut quitter le domaine quelques minutes plus tard sous peine d'être fusillé si il ne s'exécutait pas. Par la suite prenant conscience de son erreur, il voulut à tout prit se faire pardonner. Sa mort purgea le mal qu'il m'avait fait du moins cela me maîtrisa un temps et calma mon être avant que je ne me rendis compte de ce que je venais de faire. »
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-« Le lendemain de ma transformation en vampire » continuais-je m'amusant intérieurement de toutes les émotions humaines qui lui semblaient encore si naturelles qu'exprimait son visage. « mon créateur avait disparu néanmoins il m'avait laissé une bonne surprise. Une demi journée plus tard, c'est la police qui vint sonner au domaine. J'eus beau feindre d'être malade pour ne pas m'attaquer à eux et aggraver mon cas plus qu'il ne l'était déjà, le vampire leur avait tout raconté pour le meurtre. Ensuite qu'il s'attende à ce qui je ne les massacre tous ou pas, je n'en ai aucune idée. Le fait est que lorsque j'aperçus leur cadavre au sol, j'ai compris que ce genre de vie était faite pour moi. Que j'étais destinée à devenir ce que je suis à l'heure qu'il est. »
-« Au moins tu es optimiste, je n'en pense pas plus maintenant que tout à l'heure. Je ne pense pas que se soit un état de grâce comme dit dans le Bible »
-« Je t'ai déjà dit que Dieu n'avait rien à voir dans cela. Imagine ce que la vie immortelle pourra t'offrir en plus de la chance de pouvoir atteindre un âge où les femmes ne seront plus soumisse et l'esclavage abolit. C'est grâce au don que je t'ai fais que tout ça, tu pourras y assister. »
-« Excepté cela qu'est-ce que tu as fais après ? »
Je ris légèrement avant de renvoyer de nouveau le serveur qui fit signe d'entrer. Le repas ne serait toujours pas pour tout de suite après tout, il était bon de se souvenir de son passé surtout de ce qui suivait.
-« J'étais jeune et surtout effrayée parce que j'étais devenue et Edwin étant mort, le domaine revint à sa mère ce qui me convenait entièrement après tout, je me voyais mal vivre dans une maison dont j'avais tué le propriétaire. Je retournais donc en Espagne pensant naïvement que mes parents m'accueilleraient mais c'était sans compter sur le décès de ma sotte de sœur qui était morte sous les coups de son mari violent et alcoolique. Elle était bien belle la chance de choisir son époux » m'exclamais-je en riant. « Je suis pourtant rester des années là bas afin de maitriser ma soif – que tu ressentiras de plus en plus forte – et de me façonner un code que je devrais toujours respecter. Bien entendu, il m'ait souvent arrivé de l'enfreindre et de commettre neuf ou dix massacres comme celui de la veille mais jamais rien de bien méchant quoique je n'eus mis à feu et à sang toute la population d'un village – il n'y a pas cinquante ans. Je réussi aujourd'hui à me conduire comme une personne normale – à supporter le soleil et à manger de la nourriture humaine – mais les débuts furent difficiles. C'est donc rapidement que toute ma famille et le clergé se rendirent compte que j'étais comme ils aimaient le répéter « l'œuvre du Diable ». Prise de court, il me fallut tous les massacrer mais c'est avec le regret de ne pas m'être rendu compte que j'aurais pu en finir plus tôt que je dus fuir vers Madrid. A cette époque, les États-Unis n'existaient pas. Je n'avais pour échappatoire que les Indes et c'est grâce au jeune homme avec qui j'ai navigué pendant un temps à bord de la Santa Maria que j'ai réussi à quitter l'Europe sans trop de dégâts. »
-« Tu veux dire que tu as connu Christophe Colomb ? »
Je souris de nouveau. Elle ne semblait réellement pas me croire mais je devais bien lui accorder qu'une jeune femme qui raconterait ce genre de mensonges n'aurait pas vécu assez longtemps pour en parler à une autre personne après mon passage.
-« En mon temps je ne le nommais pas aussi formellement. Bien comme le raconte les livres d'histoire, nous avons attiré sur les îles canaris alors inhabitables car infestés de ces sauvages. Peu d'années après mon départ, j'étais alors de retour en Angleterre – car j'avais bien sûr décidé d'éviter mon pays natal tout comme c'est le cas aujourd'hui, ma chérie. Je me sentais seule et j'avais besoin d'un peu de compagnie et par compagnie, je veux parler de celle d'autres vampires. Ce me fut assez difficile d'en trouver parce que ceux-ci vivaient comme des humains afin d'assurer leur sécurité et il m'arriva un bon nombre de fois de penser que mon créateur serait le seul que je ne connaîtrais jamais – c'est en parti pour cela que je créais au hasard des frères, des sœurs. Leur seul m'était égal, ils n'étaient que des cobayes qui me permettraient de me perfectionner jusqu'à ce que je ne trouve la perle rare – toi en l'occurrence ma tendre – néanmoins je finis par m'attacher à l'un deux. Parmi les autres, il fut certainement le seul que je transformais pour mon bon plaisir – dans le but de le garder avec moi, certes comme animal de compagnie, mais de le garder quand même. Je suppose qu'il vit toujours – passe moi l'expression – quelque part en Europe, son continent de prédilection. »
-« C'est peut être en cela que tu es plus humaine que les autres » réfléchit-elle.
-« Oh non. Je suis bien pire parce que ma surface semble être humaine mais le fond ne l'est pas, il ne l'a jamais réellement été. C'est en cela qu'est l'erreur de l'époque dans laquelle nous vivons : nous prêtons trop attention aux apparences qui sont toujours trompeuses lorsqu'on côtoie des vampires. Par la suite, ma chère, je suis enfin tombée sur un vampire femelle qui avait le même âge que moi. C'était rassurant jusqu'à ce que je n'apprennes qu'elle avait été mordu par la même personne que moi – à simplement quelques années d'intervalles avant ou après qu'importe – néanmoins au lieu de nous éloigner, cela nous rapprocha et bientôt nous devinrent les meilleures amies du monde. Sa perte me couta beaucoup certes mais elle m'apprit énormément de choses dont la plus importante des leçons. »
-« Laquelle est-elle ? »
-« C'est en faisant confiance et en offrant son affection que l'on devient vulnérable »
Certes la manière dont je m'exprimais n'était pas la meilleure – après tout ne lui avais-je pas donné une chance de se rapprocher de moi ? - mais elle devait comprendre ce que je sous entendais vraiment. Je ne supporterais pas une trahison de sa part. Je n'en mourrais pas soit or je ne pouvais pas en dire autant pour elle. La rousseur de Scarlet me revint en mémoire et je grimaçais. Je haïssais les souvenirs.
-« Qu'est-ce qui t'a fait changé d'avis concernant cela ? »
-« Notre créateur revint en Angleterre après quelques méfaits commis sur le continent – après de savoir s'il revint parce qu'il savait que je m'y trouvais comme il me le répéta cent fois ou par simple hasard – et tout bascula. Celui-ci avait le don – à chacune de ses apparitions dans ma vie – de changer en mal une chose pour laquelle j'avais de l'affection. Je ne sais pourquoi il s'intéressa à moi de nouveau – dans le but de rendre Scarlet jalouse ? - ce qui déclencha la jalousie de celle-ci. Une jalousie meurtrière qui failli scellé ma perte si mon « ami » ne m'avait pas sauvé en se débarrassant de son ancienne partenaire de jeu. Peut-être finirais-je par finir le même sort que celle-ci après quelques années – qui sait – cependant la chose est que je du lui pardonner de m'avoir abandonner, changer en vampire pour cela. Notre relation repartit sur de bonnes bases par la suite si bien que nous passâmes près de deux cents ans ensemble – sans jamais nous unir officiellement dans aucune de nos vies comme si cela me semblait trop étrange après avoir connu Edwin, mes rêves de jeune humaine me paraissaient stupides connaissant le caractère changeant de mon amant. Ensemble nous établir un climat de terreur partout où nous nous rendions. C'était la belle vie.. Pour deux vampires. Puis comme je l'avais prédis, il disparut de nouveau sans laisser de traces comme il l'avait fait la première fois. »
-« Il t'a de nouveau abandonné ? J'espère que tu ne te laisseras pas faire la prochaine fois ! »
-« Oh mais il nous arrive de nous croiser de temps en temps mais jamais nous ne retentons notre expérience étant donné que nous avons pu tirer toutes les ressources possibles de l'autre. Attendons un temps que nous puissions innover dans nos actes. » plaisantais-je en jetant un regard vers le couloir où les serveurs semblaient très actifs. « De mon côté, il m'est arrivé bien souvent de suivre des expéditions – semant ainsi la mort chez les sauvages qui, retiens le mon enfant, n'avaient pas si bon goût que ça – de mon pays que je finançais parfois pour le bon plaisir d'honorer la mémoire de ma famille même si je ne l'aimais pas, elle faisait partie de moi – ce qui est toujours le cas malheureusement. »
Subitement j'aperçus à seulement deux kilomètres, les hautes maisons du port de Grand Isle semblaient nous souhaiter la bienvenue. Bientôt nous embarquerons dans un bateau où les meurtres seraient limiter – afin de préserver notre existence de la connaissance des hommes – ce qui signifiait que nous devions nous nourrir auparavant. Enfin plutôt « elle » que moi vu que je pouvais aisément ingurgiter de la nourriture humaine. Mian ouvrit la bouche dans l'intention de répliquer mais je la fis taire d'un geste avant de lui lancer un regard entendu qui la fit trembler. Je soupirais, exaspérée. Elle ne pourrait pas fuir ce qu'elle était bien longtemps et je refusais qu'elle se laisse dépérir après tout le mal que j'avais eu à trouver une fille qui m'aille si bien. Un serveur – plutôt beau garçon, dommage qu'il doive se sacrifier pour la bonne cause – passa alors devant notre cabine et je lui lançais un regard langoureux si bien qu'il se stoppa net avant de prendre le chariot repas qu'il poussait depuis l'autre côte du wagon première classe. Je n'eus qu'à battre des cils pour qu'il rentre et à faire un seul geste vers sa nuque pour qu'il retombe mollement sur mes genoux.
-« Tire les rideaux, chérie. Il serait bête qu'on nous surprenne en plein repas ce qui est très inconvenant et indiscret. » l'intimais-je tout en caressant les cheveux brun du jeune homme.
Interdite, elle s'exécuta en évitant du regard ce qui se trouvait sur mes cheveux. Du moins jusqu'à ce que – d'une vitesse effrayante – je ne vins m'asseoir à ses côtés et ne ne lui tende. Elle étouffa un cris aigu avant de détourner le regard, écœurée.
-« Il faut que tu manges, mon ange. Le voyage risque d'être long et vaut mieux que tu manges lorsque ton ventre n'est pas encore vide – bénis le massacre dès alors – car lorsqu'il le sera, il t'en faudra bien plus d'un pour étancher ta soif. »
-« Non » articula-t-elle, enfonçant ses doigts dans la banquette afin de se contrôler.
-« Oh ne fais pas l'enfant, veux-tu ? Il est déjà mort quel mal pourrais-tu lui faire en plus ? Il ne sent plus rien après tout. J'aurais pu le laisser se débattre.. Je peux toujours en amener un au.. »
-« Non ! » me stoppa-t-elle hors d'haleine avant de se pencher vers mes genoux où reposait la tête. « Je vais le faire »
-« Bien » fut tout ce que j'eus à lui répondre avant de me dégager de la banquette.
Je récupérais le chapeau que j'avais auparavant retiré avant de le remettre à sa place comme si de rien n'était. Tout devait être parfait. Toujours. Je plissais mes somptueux vêtements avant de – le sourire aux lèvres tandis que derrière moi s'entendait le transfert de fluide – sortir la tête bien haute. Refermant derrière moi la porte de notre cabine, je saluais aimablement mes voisins de cabine qui clignèrent plusieurs fois des yeux comme si ma vue leur semblait irréelle. Comme d'habitude.
« Je t'attends dehors, chérie. Ne gaspille rien, il serait dommage de ruiner ta robe toute neuve cependant alors prend ton temps. » glissais-je toute sourire à ma fille avant de suivre gentiment le flux des voyageurs qui rejoignait les embarcations.